Notes (François Beautier, Anne-Lise Volmer)
1) - "1° courant" : ce courrier n'a pas été conservé. On peut imaginer que Paul y aurait évoqué le retour au Maroc du Résident général Hubert Lyautey, le 29 mai.
2) - "Commandant d'Heures" : il s'agit vraisemblablement du Commandant de poste, désigné à partir d'un jeu de mots de caserne portant sur "commandeur".
3) - "notre rouquin" : en argot miliaire il peut s'agir soit d'une mascotte animale (chat, chien, renard...), soit d'un soldat chargé de "faire la police" ("la rousse") à table ou à la cantine, soit encore de distribuer le vin de table ("le rouquin"). Ici il s'agit vraisemblablement d'un chat.
4) - "choux de Brunswick" : variété européenne de chou cabus à grosse pomme dense et lourde, principalement consommée sous forme de choucroute.
5) - "des Tsouls" : la tribu Tsoul (par usage ce nom propre est invariable), berbère arabisée, occupait au moment de l'institution du protectorat, en 1912, le versant du Rif au nord-ouest de Taza. Les Tsoul se soulevèrent et furent partiellement pacifiés - de force - en juin 1914 mais leur territoire, qui comprenait le col de Touahar (où se trouve Paul en juin 1917) fut en 1915 occupé par les Rhiatas rebelles que la Légion commença à réprimer en juillet 1916 (Paul participa aux derniers combats, à Touahar, de la mi-août au début septembre 1916).
6) - "Inaouen" : officiellement "Innaouen". Paul, depuis le col de Touahar, voit "de l'autre côté" de l'oued (qui décrit un long méandre très serré et encaissé), c'est-à-dire à l'ouest et au nord, le versant sud du Rif (que les Rhiatas occupent).
7) - "travaillent la nuit" : façon discrète de dire que la Légion affame les vrais propriétaires de ces terres (ceux qui la cultivent)...
8) - "Forêt Noire" : Paul cite les grandes forêts des massifs anciens ("hercyniens") allemands que lui évoque le paysage du Rif et dont Marthe et lui partagent la nostalgie. "Autour de Stadtodendorf" (en fait “Stadtoldendorf”, en Basse Saxe) ; "au Harz" (ou Hartz en français), dont vient le mot "hercynien" et qui s'étend en Basse-Saxe, Saxe-Anhalt et Thuringe (au sommet duquel - le Brocken - ils fêtèrent la nuit de Walpurgis du temps où Paul étudiait à Wolfenbüttel) ; "à Rubeland" (dans le Harz, en Saxe-Anhalt, à proximité de la Thuringe) ; "dans la Forêt Noire" (le massif frère des Vosges, de l'autre côté du Rhin, en Bade-Wurtemberg) que Paul nomme en français plutôt qu'en allemand ("Schwarzwald").
9) - "Windwinklenberg" : ce nom d'un point élevé ne paraît correspondre à aucun lieu remarquable ni en Allemagne, ni en Alsace. S'il s'agissait d'un "Windmühlenberg" ("mont du moulin à vent"), on pourrait hésiter entre plusieurs centaines de sites en Allemagne.
10) - "Nussberg" : cité médiévale perchée en nid d'aigle en Bavière orientale.
11) - "Paveljekke Holz" : ce nom d'endroit boisé ne correspond à aucun lieu reconnu d'intérêt général en Allemagne ou en Alsace. Paul se réfère sans doute à une géographie strictement locale voire intime dont son couple connaît ce toponyme fondé sur le prénom Pavel, c'est-à-dire Paul.
12) - "une pierre dans mon jardin" : une attaque contre moi.
13) - "DCL" : la signification de ces initiales n'est pas connue. Il s'agit de l'entreprise où travaillait Marthe, sans doute comme couturière, quand Paul la vit pour la première fois.
14) - "Dienerin Martha" : l'expression peut signifier "Sœur Marthe". Une certaine "Dienerin Martha" œuvra au XVIIe siècle à la propagation du jansénisme en Allemagne. Les "sœurs", en tant que servantes (Dienerin) de Dieu, ont pour mission d'apporter la Révélation, c'est-à-dire la "Lumière" (d'où l'allusion de Paul à une lampe). Mais "Dienerin" a aussi le sens d' "employée"
15) - "SD Blanc" : il s'agit vraisemblablement de l'entreprise de textile alsacienne (établie à Mulhouse) où Paul travailla juste avant de s'installer à Nantes, en France, en 1907.
16) - "de B." : il semble que Paul évoque ici son départ de Brunswick, pour Hambourg, et Mulhouse, où il travailla à partir de 1902 avant de gagner la France.
17) - "Schiller" : Friedrich von Schiller est l'un des plus célèbres poètes et écrivains allemands du XVIIIe siècle (1759-1805), à la fois maître du classicisme et inspirateur du romantisme.
18) - "O Zarte... Hoffen" : citation tirée du poème de Schiller "Die Glocke" ("La cloche", devenu en 1799 le "Lied von der Glocke", en français "Le chant de la cloche") disant mot à mot "Ô tendre nostalgie, doux espoir".
19) - "Hanovre" : Paul est revenu à Hanovre en 1904 pour régler la succession de ses parents, après la rencontre de Marthe en 1900, et avant sa propre installation à Mulhouse, puis en France en 1906-1907.
20) - "Raum... Hütte" : citation de l'avant-dernier vers du poème de Schiller "Der Jüngling am Bache" (mot à mot "le jeune garçon près du ruisseau") dont les deux derniers vers disent "Raum ist in der kleinsten Hütte / für ein glücklich liebend Paar" (mot à mot "Il y a toujours de la place dans la plus petite des huttes / pour un couple d'amants heureux").
21) - "Bon Dieu" : ce juron que Marthe - protestante - n'approuvera certainement pas, est pour la première et dernière fois écrit ici par Paul, qui semble alors moralement bien mal en point. Cherche-t-il à inquiéter son épouse ou à rendre plus nécessaire aux yeux de ses supérieurs une permission de détente ?
22) - Cette lettre toute entière, où Paul parle de ses parents et de ses frères, de sa rencontre avec Marthe et des sentiments qu'elle lui inspira, et de ses idées de jeune homme, respire la nostalgie qu'il éprouvait alors. C'est la première fois dans la correspondance qu'il se livre ainsi.