Petit rappel en guise d'introduction:
Citoyen allemand installé en France depuis 1906, associé de la société L. Leconte, négociant en charbon, dont il dirige le bureau de Bordeaux, Paul Gusdorf s'est engagé pour la durée de la guerre dans la Légion Étrangère dès août 1914, dans l'espoir d'obtenir ensuite la nationalité française. Il est affecté au 1er Étranger, et d'abord envoyé à Bayonne, où il fait ses classes, avant de partir début décembre 1914 pour Lyon. Il y passe un mois avant de recevoir son affectation définitive au Maroc. Ses capacités intellectuelles et sa connaissance de la calligraphie et de la dactylographie lui ont valu, à Bayonne comme à Lyon, de confortables fonctions administratives. Il s'embarque début janvier 1915 pour l'Algérie, où de nouvelles aventures l'attendent...
Le blog publie les lettres qu'il a envoyées tout au long de la guerre à son épouse Marthe, de nationalité allemande aussi, restée à Bordeaux avec leurs trois jeunes enfants, Suzanne, née en 1909, Georges (le futur philosophe) né en 1912, et la petite Alice, née en 1914.
Carte postale Madame Marthe Gusdorf 22 rue du Chalet 22
Caudéran
Bel Abbès, le 27/1/1915
Chérie,
Voilà ma dernière soirée à Bel Abbès ; demain matin à 7 hs on quittera la caserne pour coucher demain soir à Oujda (1). Pour fêter cet évènement l’ami Valentin et moi nous venons de ruiner un restaurateur israélite (2) en mangeant chacun pour 30 Frs. tout en payant 30 sous.
Mille tendresses pour toi et les gosses.
Paul
Souvenir sympathique
V. Valentin
Notes (François Beautier):
1) - "Oujda" : petite ville du Maroc oriental, à moins de 20 km de la frontière algérienne, où l'armée française a établi en 1907 une garnison et le premier poste militaire français sur la route de Sidi Bel Abbès (Algérie) à Taza (Maroc). Cette place forte abrite le quartier général des troupes d'occupation du Maroc oriental.
2) - "israélite" : Paul choisit cet adjectif pour désigner précisément, comme c'était l'usage à son époque, un membre du peuple originel d'Israël, sans se référer à sa religion (le plus souvent évidemment juive). Paul qui veut s'émanciper de ce peuple juif et de cette culture juive s'emploie donc ici à s'exempter du possible soupçon de se revendiquer une ascendance juive. Cependant il se montre dans une scène où il "roule" un restaurateur israélite et offre ainsi à tout lecteur lucide mais bienveillant un exemple d'humour... juif.
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